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Holmes sweet Holmes

 

Chapitre un

 

Un dernier claquement de portière, le bruit du moteur qui vrombissait, rapidement suivi des pneus crissant sur le bitume, et la voiture s’engagea sur la route en direction de Glasgow. C’était la première fois que Sherlock et John s’aventuraient ainsi hors de Londres et, cette fois-ci, ce n’était pas dans le but de résoudre une quelconque affaire morbide.

Malgré tout, John avait l’esprit torturé. Le comportement de son ami était étrange… du moins, plus étrange que d’habitude. Jamais John n’aurait cru que Sherlock accepterait de partir avec lui en vacances. C’était même lui qui avait choisi leur destination et pris les devants en réservant un hôtel. Ce soudain enthousiasme pour ces vacances rendait John nerveux. Ce n’était pas dans les habitudes du grand brun. Il préférait passer son temps à enquêter et poursuivre des criminels à travers les rues de Londres, son territoire. Les mots « repos », « pause » et « vacances » ne figuraient pas dans son vocabulaire. Son esprit de génie les avait littéralement bannis. Alors qu’est-ce que cet intérêt soudain pour Glasgow et ses activités touristiques, que Sherlock avait brièvement évoqué, cachait ?

John tourna son regard vers la vitre pour regarder la pluie s’abattre contre le carreau et les gouttes glisser paresseusement sur le verre froid. Quelques éclairs zébraient parfois le ciel chargé de nuages gris, et des grondements sourds fendaient l’atmosphère. Les gens couraient se mettre à l’abri de cette pluie battante, les rues se vidaient progressivement et même les routes semblaient plus tranquilles. C’était une journée triste et maussade.

Les secondes s’égrainaient, les minutes défilaient et les heures s’enchaînaient avec une lenteur qui commençait à ennuyer John. Malgré la beauté des paysages qu’ils traversaient et que le médecin admirait tout son soûl, le temps lui paraissait long, les heures semblaient s’étirer. La fatigue commença à s’installer chez John et, avant même de s’en rendre compte, il s’assoupit.

​

 

C’était le bruit du moteur et les secousses à peine perceptibles de la voiture qui l’avaient bercé tout le long du trajet, sur fond d’orage. Pourtant, un étrange silence s’installa tout à coup, un silence que son subconscient capta avant de sonner l’alerte et le médecin ouvrit lentement les yeux. Il avait cessé de pleuvoir, mais le ciel était toujours aussi menaçant. Le véhicule s’était arrêté sur le bas côté, le moteur ne tournait plus et Sherlock, ainsi que le chauffeur de taxi, manquaient tous deux à l’appel. Inquiet, le médecin se redressa.

— Sherlock ?

Il réalisa trop tard son appel inutile. Bien sûr que Sherlock ne pouvait pas l’entendre ni lui répondre puisqu’il n’était pas là. Le médecin tourna légèrement la tête et aperçut son ami en présence du chauffeur, dehors, à hauteur des roues. Après s’être détaché, John s’extirpa difficilement de la voiture et un vent glacial le saisit. Frissonnant, il s’avança vers les deux hommes apparemment préoccupés. Des outils étaient posés à même le sol et une roue traînait dans l’herbe fraîche battue par les alizés.

— Que se passe-t-il ? s’enquit-il, malgré l’évidence de la situation.

— Un pneu crevé, monsieur, mais ne vous inquiétez pas, le problème sera vite résolu !

Sherlock pinça les lèvres et se détourna de la scène. John crut déceler de l’énervement mêlé à de l’impatience dans son regard et s’approcha du brun, intrigué.

— Nous perdons un temps précieux, marmonna le détective.

— Ce n’est pas très grave, nous avons tout notre temps, argumenta John. Et puis, au moins, nous pouvons nous dégourdir les jambes !

— Ennuyeux. Nous perdons un temps vraiment très précieux avec ce problème, John !

— Qu’y a-t-il de si urgent ? Enfin, nous n’avons aucune enquête en cours et nous partons en vacances, Sherlock !

— Bien sûr que si !

— Quoi ?

John refusa de comprendre ce que son ami sous-entendait clairement et refoula la colère qui menaçait de le submerger. C’était Sherlock tout craché, il aurait dû se douter qu’il y avait anguille sous roche. Sherlock ne faisait jamais rien au hasard, ses actions étaient toujours calculées, toujours réfléchies, mais il avait, pour une fois, voulut croire à un élan de spontanéité venant de la part de Sherlock. Il s’était encore fourvoyé.

— Donc, si j’ai bien compris, tu m’as emmené sciemment ici en me faisant croire que tu voulais partir en vacances avec moi alors qu’en vérité nous allons à Glasgow pour une enquête ?

Il contenait sa colère au maximum, mais ses lèvres tremblaient, sa respiration s’accélérait et son cœur tambourinait avec rage contre sa poitrine. Sherlock lui répondit par un mouvement d’épaule évasif et John se détourna de lui. L’envie irrépressible de se jeter sur le détective pour l’étrangler le titilla.

— Je suis désolé, John. Sans ça, je ne suis pas sûr que tu m’aurais suivi.

— Tu sais ce que tu es, hein ? Tu es un connard !

— Je sais.

— Bien sûr que je t’aurais suivi ! Enfin, Sherlock, nous travaillons ensemble ! Pourquoi est-ce que tu crois que je ne t’aurais pas suivi ?

— Tu avais besoin de… de vacances.

John prit une grande inspiration et ferma les yeux.

— Sept heures de voyage pour une affaire… Qu’a-t-elle de si intéressant ?

— Plusieurs patients sont morts après avoir consulté un médecin spécialisé dans la psychologie. Ce n’étaient jamais les mêmes consultants. Ils étaient pris de sauts d’humeur violents avant de mourir dans des circonstances suspectes.

— Cette affaire me semble assez… banale, rétorqua John.

— Pourquoi ? Tu connais déjà la réponse à cette énigme ?

— Non, mais il y a forcément un autre détail qui t’a interpellé pour que tu fasses un si long déplacement.

— En effet. Tous les patients ont évoqué mon nom.

— Quoi ? Pourquoi ?

— Ça, John, c’est la question à un million de dollars. Au fait, tu devrais appeler l’hôtel. Si nous arrivons en retard, nous perdrons la réservation de notre chambre et elle est à ton nom.

Sherlock tendit son téléphone avec le numéro de l’hôtel déjà composé, sous le regard ahuri de son ami. Décontenancé, le médecin prit le cellulaire et se retourna pour contempler le paysage vallonné qui s’offrait à lui. C’était un spectacle à couper le souffle, d’une beauté inouïe, qui le laissait sans voix. L’endroit semblait tout droit sorti d’un film, avec sa rivière qui serpentait tranquillement entre les tertres jalonnant les grands espaces plantureux. Une forêt de pins se dressait un peu plus loin et s’étendait à perte de vue, ajoutant du charme à cet endroit qui dégageait une force mystique.

— Allô ? Allô ?

— Euh, oui, pardon, bonjour…

Brusquement ramené à la réalité, John entreprit de s’éloigner davantage de son ami pour s’adresser à l’hôtesse d’accueil et expliquer le problème.

Une vingtaine de minutes plus tard, au plus grand soulagement de Sherlock, ils repartaient, et la voiture sillonna la route tortueuse qui se frayait un chemin parmi les vallons, les forêts et les champs. La pluie avait recommencé à tambouriner les fenêtres de la voiture, ajoutant un aspect plus dramatique à la scène, et John sentit un frisson lui parcourir l’échine. Le temps était décidément capricieux.

​

​

 

Ils arrivèrent à l’hôtel Indigo vers vingt-et-une heure seulement. Le ciel commençait déjà à s’assombrir et la température à baisser. Lorsque le taxi s’arrêta devant les portes de l’hôtel, John fut le premier à en sortir et inspira une profonde bouffée d’air frais, soulagé d’être enfin arrivé à destination. Le chauffeur quitta le véhicule lui aussi et ouvrit le coffre pour en sortir les valises. John le remercia et Sherlock s’approcha pour lui tendre une liasse de billets.

— Qu’est-ce que c’est ?

— De l’argent.

— J’avais compris, merci, mais à quoi va-t-il me servir ?

— À payer l’hôtel.

— Tu ne viens pas ?

— Pas tout de suite. J’aimerais faire un peu de repérage cette nuit.

— Je peux t’accompagner, si tu veux.

— Non, reste ici, je serai plus rapide si je suis seul, je n’en n’aurai pas pour longtemps. Au fait, demain nous avons rendez-vous.

— Ah oui ?

— Une thérapie de couple, ça te dit ?

John regarda Sherlock avec des yeux ronds, stupéfait, mais le brun ne s’attarda pas plus longtemps et retourna dans le taxi. John ne quitta pas le véhicule des yeux jusqu’à ce qu’il disparaisse de sa vue. Avec un soupir, il s’engouffra dans l’hôtel, récupéra les clés de la chambre et se rendit jusqu’à cette dernière, épuisé par le voyage.

​

​

 

Lorsque John ouvrit les yeux, la chambre était encore sombre. Au-dehors, d’épais nuages s’étaient amoncelés et il pleuvait dru. Le regard du médecin se porta instinctivement vers le lit de son ami, là où gisait sa valise, mais elle n’avait pas bougé et le lit était toujours aussi impeccable. Sherlock n’était pas rentré. Il avait pourtant assuré qu’il n’en n’avait pas pour longtemps mais, comme il aimait à le répéter, Londres était son territoire. Ici, il ne connaissait rien, il pouvait vite se retrouver perdu comme un petit chien égaré. À moins qu’il ne lui soit arrivé un drame.

John se redressa et regonfla les coussins qu’il cala derrière son dos. Il se frotta les yeux, encore un peu fatigué. La chambre lui paraissait curieusement froide et impersonnelle sans la présence de Sherlock. Elle était pourtant chaleureuse, décorée avec goût et dans les teintes violettes. Son étroitesse aurait dû apporter un peu de chaleur à cause de l’intimité qu’elle offrait mais, à cet instant, elle semblait étrangement vide et sans vie. Soupirant, John se leva, s’habilla et se rendit jusqu’à l’ascenseur en tentant de contacter Sherlock. Seule sa messagerie vocale lui répondit et John décida de laisser un message à son ami :

— Sherlock, je pensais que ce repérage n’allait pas durer et que tu serais rentré cette nuit. Où es-tu bon sang ? Rappelle-moi, Ok ?

Sentant l’inquiétude poindre, John décida de quitter l’hôtel pour arpenter les rues de Glasgow, à la recherche d’un café où il pourrait passer un peu de bon temps et décompresser en oubliant l’absence de son ami. Inconsciemment, il espérait tomber nez-à-nez avec lui.

Lorsqu’il franchit les portes vitrées de l’hôtel, la pluie s’abattit sur lui sans pitié et, sans réfléchir, John s’engagea dans la première grande allée à sa droite, au pas de course, où les bruits familiers d’une grande ville l’assaillirent brutalement. C’étaient entre autres les éclats de voix, les claquements de portière, les moteurs qui ronronnent et les roues sur le bitume.

Instinctivement, John s’arrêta à hauteur de la rue Wellington Ln, assez large mais plutôt sombre, le genre de rue où il n’était pas impossible d’y croiser Sherlock. Il hésita un moment et décida de s’en détourner, jusqu’à ce qu’il aperçoive une étrange silhouette familière à l’autre bout.

— Sherlock ? cria-t-il.

La pluie lui brouillait la vue, mais John était certain de reconnaître ce long manteau. Sherlock ne l’avait sûrement pas entendu à cause de la pluie, alors John décida de se lancer à sa poursuite, mais la silhouette s’éloignait aussi vite que John s’en approchait. Finalement, il déboucha sur une autre grande allée qu’il traversa rapidement pour rejoindre la rue face à lui, une prolongation de celle dans laquelle il s’était engagée.

Quand il s’y engouffra, il sentit un frisson lui parcourir tout le corps, accompagné par une étrange sensation : celle d’un mauvais pressentiment. Sherlock avait disparu, mais John aurait juré l’avoir vu entrer dans cette ruelle. Elle était étroite et de nombreuses poubelles longeaient les deux côtés, ainsi que des bidons posés à même le sol et des cartons détrempés par la pluie. La rue se terminait par une impasse.

— Sherlock ?

Aucune réponse. Inquiet, John sortit de sa poche son téléphone alors que la pluie s’arrêtait au même moment. Il n’eut pas le temps de composer le numéro de son ami et sentit une douleur soudaine dans son cou. Son esprit comprit rapidement ce qu’il se passait et John tenta de se débattre, mais deux bras puissants le bloquèrent, l’empêchant de faire le moindre mouvement alors que sa vue commençait à se brouiller. Les sons familiers de la ville qu’il entendait devenaient des échos lointains, sa respiration ralentissait, ses membres s’engourdissaient alors qu’il tentait malgré tout de s’échapper pour fuir les griffes de son agresseur, mais les ténèbres s’imposèrent à lui malgré sa lutte acharnée pour rester éveillé. Tout devint noir et silencieux.

​

​

 

Ce fut le son d’une alerte SMS qui le sortit de son inconscience. John ouvrit péniblement les yeux, encore groggy. Il lui fallut quelques minutes pour réussir à se concentrer sur les sons qu’il entendait. Il se sentait encore légèrement sonné, mais il avait retrouvé le contrôle de ses membres malgré le fait qu’ils lui semblaient étonnamment lourds. Il roula sur lui-même et aperçut son téléphone qui gisait au sol, l’écran allumé. Il avait reçu trois messages.

John se releva péniblement après avoir récupéré son cellulaire et ouvrit ses messages :

 

« Suis rentré, où es-tu ? »

« Besoin de toi, dépêche-toi »

« Je m’impatiente, où es-tu ? »

 

Typique de Sherlock. Il s’inquiétait alors que c’était lui qui s’en était allé une nuit toute entière, et sûrement une matinée aussi, sans donner de nouvelles au blond. John composa fébrilement le numéro de Sherlock en s’appuyant contre la poubelle derrière lui, tremblant.

Il devait avertir son ami de ce qu’il s’était passé. Heureusement, Sherlock décrocha assez rapidement.

— Allô ?

— Sherlock ? haleta John en tentant de se concentrer. Je rentre, j’arrive. J’ai été agressé hier. Des types m’ont drogué.

— Où es-tu ?

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NB: Je tiens à préciser que les personnages ne m'appartiennent pas, ils sont issus de l'oeuvre de Sire Arthur Conan Doyle et l'univers emprunté à la série Sherlock BBC.

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